Thibaut Hofer

→ In&Out, Musée des Beaux-Arts de Nancy

Estelle Chrétien s'est fait une habitude et un jeu de dérouter les sujets et les regards pour s'amuser avec les substances, les substantifs, les substantiels.

Cette fois, que nous dit sa Coque de son espièglerie ? Et si pour le deviner, il fallait entreprendre ce voyage qu'elle nous propose aux confins de la perception et de la perspective, et enjamber la tautologie de cette coquille de brou de noix pour… La naviguer ou la laisser voguer ? Et où flotte-t-elle ? Quels flux imaginaires ou spirituels la déportent de notre réalité pour gagner celle de la plasticienne ? Franchir le seuil est un grand pas. En suggérant ce garde-fou entre la solidité réconfortante et berçante de la coque et l'espace infini et impalpable qui l'entoure, Estelle Chrétien convoque nos méfiances face à la transition, entre deux états, entre deux idées, entre deux cultures.

Et c'est dans un vis-à-vis avec l'extérieur et son œuvre-paillasson que son propos revisite le mieux nos (in)certitudes. Dans le jardin du musée, Dehors, minimaliste et directe, marque l'absurdité d'une situation que nous pensons connaître parce qu'elle nous place par défaut à l'extérieur des parois que nous avons pris l'habitude d'habiter. C'est une notion instinctivement physique et qui suscite des binômes opposables : chaud et froid, sécurité et danger, fermé et ouvert, proximité et distance. Mais on peut être hors de multiples choses : hors de soi, hors-sol, hors d'atteinte, hors d'un pays… Quel point de vue nous emmène le plus loin, nous confronte le plus vivement à nos angoisses et aux solutions pour les apaiser ?

Ce que nous offre Estelle Chrétien à travers cette dialectique maîtrisée et ludique, c'est une première foulée vers des angles inattendus et des lignes sans fuite, où les seuils et vaisseaux sont autant d'invitations à explorer d'autres espaces.